« Je reste un être humain. Il m’arrive de faire des erreurs »
De Zagreb à Marcq-en-Baroeul. En une semaine, l’arbitre international français Pascal Maria est passé de la finale de la Coupe Davis au Master’U, où il encadre ses jeunes collègues. Histoire d’un grand écart sur fond d’humilité.
– Depuis combien de temps êtes-vous juge-arbitre pour le Master‘U BNP Paribas ?
– Cela fait maintenant sept éditions. On me l’a proposé quand le Master se disputait à Poitiers (2008 et 2009), pour faire grandir cet événement.
– Qu’est-ce qui différencie le rôle de juge-arbitre à celui d’arbitre de chaise ?
– Ce sont deux métiers qui appartiennent à la même juridiction dans l’arbitrage, sauf que ce sont deux entités bien différentes. Il y a l’arbitrage de chaise, où les décisions sont prises à l’instant T suivant les applications du règlement. Et il y a le juge-arbitre, qui a plus le temps de réflexion, plus de temps de contact avec la programmation, l’élaboration du tableau, des matchs de la journée. C’est le lien entre le sportif et la direction du tournoi.
– A quoi se résume votre rôle ici ?
– J’essaie juste de faire respecter au mieux les règlements internationaux qui s’appliquent dans cette compétition. Mon rôle ici, c’est surtout la formation des jeunes joueurs et des jeunes arbitres pour les aguerrir sur les règlements internationaux.
– Comment passe-t-on de la finale de la Coupe Davis au Master Universitaire ?
– (Sourire). C’est mon boulot. C’est comme au lycée, quand tu passes des mathématiques au français en une heure. Cela demande de l’humilité. Il faut toujours réussir à se remettre en cause et apprécier où on est. J’ai énormément apprécié la finale de la Coupe Davis la semaine dernière comme je vais autant apprécier ce week-end. C’est un univers totalement différent. C’est moins bling bling mais c’est tout aussi prenant et sympathique de vivre ce genre de mission.
– Comment les jeunes arbitres vous voient-ils ?
– (Sourire). C’est sûr que je suis quelqu’un de connu dans ce milieu mais ce n’est pas vraiment important. J’espère être abordable. Je pense que je suscite un peu l’envie, l’intérêt, la connaissance peut-être. J’essaie d’y répondre au mieux possible mais j’ai aussi une carapace. Mais je suis content de répondre aux jeunes s’ils en ont besoin et ils sont demandeurs.
– Est-ce que votre renommée incite les jeunes joueurs à être un peu plus respectueux ?
– Il faut leur demander (rires) ! C’est sûr que ma carrière parle pour moi mais je reste un être humain. Il m’arrive de faire des erreurs. Je n’ai pas tout le temps raison et ils le savent. Ils veulent tous défendre leur bout de viande. Quand tu es joueur de tennis, que tu aies X ou Y personne sur la chaise d’arbitre, si tu vois une balle bonne alors qu’elle est faute, tu t’en fous un peu et tu râles, quoi qu’il arrive. Pour ce week-end, ils vont peut-être plus écouter mes conseils, mais sur les moments chauds, ils vont exploser comme n’importe qui.
– Le rapport avec les joueurs doit être plus simple ici que dans un tournoi du Grand Chelem…
– Oui et non. Oui, parce que c’est des jeunes et ils sont encore un peu timides et que c’est un cadre plus calme avec très peu de médias. Non, parce que certains jeunes s’en foutent du règlement, qu’ils n’ont pas forcément les meilleurs juges de ligne ou qu’ils n’ont pas les meilleurs arbitres. Non, aussi, parce que les joueurs jouent dans des conditions moins confortables que lors d’un Grand Chelem. Disons que ça se balance. Ils restent jeunes, ils s’adressent à leur capitaine s’ils ont un problème ou des attentes.
– Est-ce le dernier rendez-vous de votre saison ?
– Oui, après je coupe pendant un mois ! Je vais pouvoir apprécier le repos à la maison, avec ma famille, tout en continuant le boulot, puisque je suis salarié de la Fédération internationale de tennis. J’ai en ce moment un projet sur l’arbitrage en Afrique. Ça ne s’arrête pas mais au moins, je peux travailler depuis chez moi.
Propos recueillis par Thomas Broggini et Matthieu Guillot